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Vers un marketing digital sans cookies tiers : où en sommes-nous vraiment ? par Remy Puliero de 79

Vers un marketing digital sans cookies tiers : où en sommes-nous vraiment ? par Remy Puliero de 79
La prise de conscience générale au sujet de la protection des données personnelles a, ces trois dernières années, poussé les acteurs technologiques et régulateurs à restreindre l’utilisation du cookie tiers. L’ensemble des acteurs du secteur de la publicité en ligne ont donc été contraints et forcés de s’adapter.  
 
Rappel des faits : 
1.      Apple, Firefox puis Google se sont attaqués au tracking utilisateur. Apple a débuté dès 2017 avec ITP sur safari puis, la firme a ensuite étendu sa politique limitant l’utilisation des cookies au mobile avec IOS. Google a, quant à lui, adopté une posture plus souple, annonçant en janvier 2020 la fin de l’exploitation des cookies tiers sur Chrome en 2022 (récemment repoussée à 2023). 
2.      Les réglementations sont de plus en plus contraignantes. La réglementation sur l’utilisation des données en ligne s’est renforcée en mai 2018 avec l’entrée en vigueur du RGPD. Le texte européen est soumis à l’interprétation des organes de protection des données au sein de chaque pays de la communauté, rendant difficile l’adoption unilatérale de ces principes. En France, les premières recommandations de la Cnil ont laissé suffisamment de marge aux éditeurs sur la notion de consentement explicite. La Cnil a donc précisé et durci ses lignes directrices lors de l’émission de nouvelles recommandations en octobre 2020 et a donné aux acteurs de la publicité en ligne un délai supplémentaire de six mois pour s’y conformer. Trois grands principes majeurs ont été émis :  
a.  Les personnes doivent consentir au dépôt de traceurs par un acte positif clair (comme le fait de cliquer sur «j’accepte» dans une bannière cookie).  
b. La possibilité de refuser les traceurs devant être aussi aisée que de les accepter. 
c.  Que l’interface de recueil du consentement ne comprenne pas seulement un bouton «tout accepter» mais aussi un bouton «tout refuser». 
 
A l’heure de la restriction de l’utilisation des cookies, quelles sont les conséquences pour les éditeurs et quelles alternatives marché s’offrent aux annonceurs ? 
D’abord l’impact sur le recueil des consentements par les éditeurs 
Beaucoup plus de pop-ups. Alors qu’elles étaient minoritaires il y a deux ans, les pop-ups obligent l’internaute à préciser son choix, avant d’accéder au contenu.  
·       La majorité des sites ayant une CMP ont opté pour un lien proposant de «Continuer sans accepter», en mettant davantage en valeur l’option «accepter».  
·       Une très faible part des éditeurs préfèrent une bannière qui n’empêche pas la lecture des contenus. 
·       Une infime part de sites sans trackers n’affiche ni pop-up, ni bannière.  
·       Enfin, rares sont les sites qui choisissent de dégrader l’expérience des internautes qui refusent l’utilisation des cookies, en imposant un bandeau occupant une partie de l’écran de lecture. 
Mise en place, rare, de cookie walls et de pay walls. Alors que la Cnil a confirmé qu’elle jugerait de la licéité des cookies walls au cas par cas, très peu d’éditeurs ont mis en place ce type de dispositif. Le 1er avril, seuls trois éditeurs utilisaient cette méthode : Webedia, Prisma Media et Unify. Ils proposent ainsi de s’abonner pour 1 à 4 euros par mois pour accéder à leurs contenus sans cookie publicitaire.  
 
Quelles alternatives marché ? 
Pour s’adapter à ces nouveaux enjeux, l’ensemble des acteurs des médias et de la publicité en ligne doivent trouver des alternatives aux cookies tiers afin d’identifier et cibler un utilisateur. Plusieurs pistes sont actuellement explorées : 
1.  Le ciblage contextuel : pour présumer de la présence d’une cible en fonction du contenu d’une publication. 
Il permet de cibler les publicités en fonction du contenu (thématique et sémantique des articles) et non plus en fonction des données récoltées sur l’utilisateur. En France, Gravity a développé sa propre solution de ciblage & Reworld media a développé son propre outil interne par exemple. 
2.  La création de comptes personnels : la solution idéale pour continuer à collecter et à valoriser des données sans cookies en respectant les réglementations 
C’est la solution adoptée par certains acteurs leur permettant de récupérer des données déterministes – comme des mails, la localisation, les centres d’intérêt, l’âge – qui permettent de dresser des profils valorisables auprès d’acheteurs publicitaires. TF1, M6 ou FTV ont depuis longtemps mis en place des logins obligatoires. 
3.   La privacy sandbox :  l’alternative proposée par Google. 
 Elle consiste en une suite d’API stockées dans Chrome, auxquelles les annonceurs et leurs partenaires auraient accès de manière agrégée afin de répondre aux cas d’usage du cookie. Cette alternative est appelée à jouer un rôle prépondérant sur la publicité ciblée et se décompose en quatre catégories :  
·       La lutte contre le spam et la fraude, qui est la catégorie la plus avancée mais en test  
·       Toujours en discussion, le renforcement de la protection des données cross-site, qui vise à limiter notamment les techniques de traçage par fingerprinting,  
·       Le ciblage et la pertinence de la publicité, avec notamment le projet FLOC qui remplacerait le ciblage par cookies au niveau utilisateur par un ciblage par cohortes. Mais ce système se voit opposer aujourd’hui une forte résistance par le marché (risques de détournement pour renforcer le traçage par finger printing, risque de renforcement position dominante de Google). FLOC doit donc se préciser mais surtout rassembler le marché. 
·       Enfin, le sujet de la mesure évidemment qui s’avère être un autre enjeu de taille, car les potentielles solutions pour cibler intelligemment sans cookies tiers ne règleront pas le sujet de la mesure de la performance sans ces cookies tiers. 
 
En parallèle de Google, d’autres acteurs publicitaires comme Facebook développent des solutions de collecte et d’échanges de données server side : une connexion par API pour pallier la suppression des cookies tiers, mais nécessitant toujours le consentement de l’utilisateur.  
D’autres solutions innovantes arrivent comme les identifiants uniques universels 
La fin annoncée du cookie tiers pousse les acteurs adtech à proposer des moyens alternatifs de résolution de l’identité utilisateur. Côté achat : IdentityLink de Liveramp, ID+ de Zeotap, Unified ID 2.0 avec The Trade Desk ou encore Shared ID de Prebid. Mais aussi côté vente au travers de partenariats ; et des sociétés spécialisées comme ID5 qui se positionnent progressivement. 
Début 2020, l’IAB Tech Lab a lancé Project REARC : un groupe de travail cherchant à cadrer l’aspect confidentialité des échanges de données, là où la plupart des solutions techniques traitent la partie technique du sujet. 
 
La suite en 2023… 
La décision de Google de repousser la suppression de l’utilisation des cookie tiers à fin 2023 est très certainement le signe d’une industrie qui peine à s’adapter à un monde cookieless. Néanmoins, l’industrie doit profiter de ce délai supplémentaire pour tester, s’outiller et se préparer au monde d’après. Les agences ont un rôle important à jouer dans cette phase d’adaptation, en préparant par exemple pour leur client un environnement «people based» compatible avec l’utilisation d’identifiants universels, ou encore le déploiement de technologies Server to Server. 
 
Remy Puliero, Partner chez 79 

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