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Les Fake News : good news pour les marques ? Par François Nicolon, Directeur Marketing EMEA chez Kantar Media

Les Fake News : good news pour les marques ? Par François Nicolon, Directeur Marketing EMEA chez Kantar Media
Si les prémices de la désinformation remontent à l’Antiquité, les Fake News revêtent aujourd’hui une dimension menaçante qui fait résonner un écho inédit à ce phénomène. Leur ampleur et vitesse de diffusion se sont intensifiées, et des problématiques nouvelles liées à la sécurité de l’information ont émergé. Toutes les parties prenantes tentent d’y répondre comme l’illustrent les récentes mesures prises tant du côté des gouvernements que des réseaux sociaux.
Début juillet, l’Assemblée nationale a voté une loi «contre la manipulation de l’information en période électorale» quand de leurs côtés Facebook, Twitter et YouTube ambitionnent de renforcer leur lutte en plus des investissements existants en modération humaine et artificielle.
C’est assurément la campagne électorale américaine de 2016 qui est à l’origine de la généralisation de l’appellation «Fake News» ; un épisode qui s’est accompagné d’une explosion des requêtes de ce terme sur Google. Elles sont depuis devenues un sujet d’actualité à part entière comme en témoignent les programmes tels que «Le Vrai du Faux» de France Info ou encore la chronique du 19.45 de M6 «Expliquez-nous : les Fake News de la semaine». Selon notre monitoring des médias français, le sujet connaît un regain de popularité depuis le début d’année. Le nombre de retombées dans la presse écrite française pour l’expression s’élève à 3 901 au cours des trois derniers mois (Source : Pickanews, période du 7 juin au 7 septembre 2018).
 
Le grand public fait lui aussi preuve d’une réelle prise de conscience : 75% des Français estiment être confrontés au moins une fois par semaine à des informations ou actualités qu’ils jugent fausses ou représentant mal la réalité (Source : Eurobaromètre CE Kantar). 85% d’entre eux vont jusqu’à considérer le phénomène comme un problème pour leur pays et 81% y voient un danger pour la démocratie. Toutefois, la dénomination «Fake News» reste floue : s’agit-il d’une information erronée, d’une information biaisée ou encore d’une information médiatique que l’on tente de décrédibiliser ? Le segment d’audience qui s’intéresse à l’actualité les définit plus clairement. 58% estiment qu’une Fake News est une information mensongère et délibérément diffusée par les grands organes de presse, illustrant une certaine défiance à leur égard.
 
Notre baromètre de confiance dans les médias rend effectivement compte d’un plongeon très marqué en 2017. À l’inverse, la vague 2018 révèle un vrai retour de crédibilité dans l’opinion des Français envers les médias historiques (radio, presse et TV). C’est pour Internet que le niveau de crédibilité est le plus faible. Ce résultat s’aligne avec l’étude Trust In News de Kantar menée en juin 2017 sur 4 grands marchés média auprès d’un échantillon ayant un intérêt pour l’actualité. Selon cette étude, c’est la presse magazine et quotidienne ainsi que les programmes d’infos TV et radio qui  suscitent le plus la confiance des répondants. En ligne, ce sont les marques médias – les sites de quotidiens, magazines, chaînes télévisées ou radio – qui entraînent des taux de confiance plus élevés. Les informations apportées par les applications de messageries et de manière plus générale les réseaux sociaux engendrent le taux de confiance le plus bas. En revanche, si sur ces plateformes l’information provient d’une marque média, le taux de confiance s’élève à 38% contre 16% si elle est publiée par un «ami». C’est donc la marque média qui porte la crédibilité de l’information.
 
Le phénomène Fake News ne touche pas uniquement la sphère politique et géopolitique, entreprises et marques en sont aussi les victimes. Après avoir officialisé son soutien aux démocrates en 2016, Starbucks s’est vu confronté à une fausse campagne sur les réseaux sociaux l’année suivante. Baptisée «Dreamer Day», elle promettait aux sans-abris une réduction de 40% sur leurs consommations. En France, le groupe Ferrero a dû faire face à une polémique autour de son produit phare, le Nutella. Une information provenant d’un site parodique a été prise au sérieux par de nombreux internautes et beaucoup ont cru à une contamination aux produits laitiers Lactalis.
 
Face au risque d’être confrontées à ces formes de crises médiatiques, les marques cherchent à protéger leur image en prêtant une attention particulière aux informations circulant sur leur compte. Il s’agit là d’un vrai sujet de préoccupation qui les pousse à repenser leurs stratégies de communication. Les pratiques de brand safety leur paraissent de plus en plus incontournables. Comment rester safe dans un environnement fake ? De nombreuses mesures ont déjà été annoncées sinon prises par les marques. Unilever a par exemple menacé Facebook et Google de retirer ses publicités si ces derniers ne parvenaient pas à modérer leurs contenus. Havas a développé une détection automatique anti-fake visant à faire progresser la qualité des campagnes digitales grâce à un partenariat avec Storyzy. Du côté des réseaux sociaux, YouTube a annoncé un investissement de 25 millions de dollars dans la lutte contre la désinformation. Twitter, quant à lui, s’est défendu de devoir assumer un rôle d’arbitre de la « vérité », mais en deux mois a suspendu plus de 70 millions de comptes suspectés de propager de fausses informations. Le géant des médias sociaux, Facebook, répond à cette problématique par le classement des contenus non authentiques et il collabore également au projet de recherche académique indépendant «Social Science One». 
 
L’arrivée de ces acteurs et d’Internet a contribué à accentuer le lien entre marques et médias. 76% des Français reconnaissent que le rôle des médias est de leur permettre de mieux connaître les marques, mais la frontière entre les deux est en passe de s’effacer. Les marques sont désormais capables de faire circuler des informations et des contenus sans nécessiter l’intermédiaire d’un véritable média. Elles se sont appropriées les codes journalistiques pour communiquer de manière efficace auprès de leur audience et peuvent dorénavant s’imposer au-delà de leur offre en tant que marque média. Ce jeu de frontières bénéficie largement aux Fake News qui se propagent dans un environnement suralimenté en informations. Il suffit ensuite d’un petit nombre d’individus pour les répandre : la moitié des Français ne prêtent pas attention à la source de leur information et 13% partagent un contenu après en avoir seulement lu les titres. Si ce partage peut parfois avoir des conséquences désastreuses, les marques savent également en jouer. Elles sont même capables de s’amuser du phénomène à l’image de Carambar et de sa «fausse» fin des blagues. Les Fake News n’auraient-elles pas réveillé la créativité des marques dans leurs efforts pour contrer ce risque réputationnel ?
 
Ces efforts se construisent toujours autour des notions de confiance et de crédibilité. Les entreprises telles qu’Airbnb et LeBonCoin ont pris conscience de l’importance de ces valeurs et les ont placées  au centre de leur stratégie de marques. Lorsqu’ils font confiance à une marque, 27% des consommateurs français ne font pas attention aux prix. Dans une économie de l’attention où les consommateurs sont constamment sollicités, ce contrat de confiance est de plus en plus difficile à conserver. Plus d’un tiers des Français (38%) ressentent le besoin de se déconnecter de l’information permanente. Leur attention est devenue une ressource rare pour laquelle les marques luttent désormais. Il est peut-être temps de donner raison à Yves Citton qui préconise une écologie de l’attention ; un nouveau paradigme que les marques doivent appréhender en reconditionnant les modes d’attention de demain.
 
Le public est à la recherche d’authenticité et d’émotion, et c’est précisément sur ce dernier levier que les marques ont tout à gagner. 42% des Français sont attirés par les produits de marques qui s’engagent, 61% des centennials et millenials ont une préférence pour les marques qui ont un «brand purpose» (Source : Kantar Consulting). Impacter positivement le consommateur dans son quotidien est devenu la nouvelle vocation des marques. Pour cela, elles doivent davantage éduquer qu’informer, aider qu’accompagner, divertir et inspirer plutôt que promouvoir. Il est nécessaire pour les marques de parvenir à engager leur audience émotionnellement en véhiculant des imaginaires convaincants et en transmettant des messages forts.
 
L’objectif d’une marque est de se différencier, d’être à la fois identifiée et identifiable. En s’éloignant d’un discours purement commercial, la marque construit son image, assoit et revendique ses valeurs pour parvenir à s’ériger en tant que jalon d’influence. Tandis que l’inquiétude pour les Fake News grandit, elles représentent peut-être une opportunité pour les marques d’asseoir leur crédibilité…

François Nicolon, Directeur Marketing EMEA chez Kantar Media

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