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L’affaire DSK, une exploitation médiatique à l’épreuve de la loi sur la liberté de la presse par Eric Andrieu, associé au cabinet Péchenard & Associés

L’affaire DSK, une exploitation médiatique à l’épreuve de la loi sur la liberté de la presse par Eric Andrieu, associé au cabinet Péchenard & Associés

L’affaire Dominique Strauss-Kahn bouleverse la façon dont les médias français traitent des affaires judiciaires. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a d’ailleurs appelé hier «à la plus grande retenue concernant la diffusion d’images relatives à des personnes mises en cause dans une procédure pénale».
Cette affaire judiciaire américaine qui agite les médias français soulève aujourd’hui deux interrogations au regard des dispositions de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881. Décryptages.

1. La première question est celle de la diffusion en France des images, captées à l’étranger, d’une personne menottée.
L’article 35 ter de la loi du 29 juillet 1881 sanctionne pénalement le fait de diffuser par quelque moyen que ce soit et sur quelque support que ce soit, sans l’accord de l’intéressé «l’image d’une personne identifiée ou identifiable mise en cause à l’occasion d’une procédure pénale mais n’ayant pas fait l’objet d’un jugement de condamnation et faisant apparaître, soit que cette personne porte des menottes ou entraves, soit qu’elle est placée en détention provisoire».
Ces dispositions issues de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes se justifient par le fait que la publication de l’image d’une personne entravée est susceptible de laisser accroire à celui qui en est destinataire que la personne est coupable alors même qu’elle n’aurait pas encore été jugée.
Il résulte donc clairement de ce texte qu’à défaut d’accord, la publication de l’image d’une personne menottée avant sa condamnation par une juridiction, est illicite. Il en sera ainsi que les menottes soient visibles ou non (TGI Paris 17ème ch. 23 juin 2003) ou que les images aient été captées en France ou à l’étranger dès lors que la diffusion intervient en France en violation des dispositions légales applicables sur son territoire (TGI Paris 17ème ch. 11 juin 2004).

2. La seconde question est celle de la diffusion en France d’images d’un procès américain.
En France, sauf pour la constitution d’archives historiques de la justice, l’enregistrement et la diffusion d’images d’un procès est interdite. L’article 38 ter interdit en effet «l’emploi de tout appareil permettant d’enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l’image» dès l’ouverture de l’audience des juridictions administratives ou judiciaires (alinéa 1).
Toutefois, cet article ne sanctionne la publication d’enregistrements du procès que s’ils sont « obtenus en violation des dispositions du présent article » (alinéa 3). Dans le cas présent, la captation ayant été réalisée aux Etats-Unis, soit en dehors du champ d’application territorial de l’article 38 ter alinéa 1er, les images n’ont pas été obtenues «en violation de [ses] dispositions». Leur diffusion sera par conséquent licite.

Par Eric Andrieu, associé au cabinet Péchenard & Associés.

 

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