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La publiphobie n’existe pas

La publiphobie n’existe pas

100%média : Une enquête récente d’Australie fait état d’un rejet des Français vis-à-vis de la publicité. Qu’en pensez-vous ?

François Mariet : Il est normal qu’une agence se préoccupe de l’opinion des consommateurs. Mais il vaut mieux s’en tenir à une campagne donnée, à un média donné et aux consommateurs concernés. Comme le fait une étude d’impact.
On parle de phobie ! Etrange maladie ! Comment interpréter cette horreur, cette crainte de la publicité ? A quelles conditions un consommateur «aime»-t-il la publicité «en général» ? La question «générale» ne se pose guère… que dans les sondages. A quelle occasion, un consommateur aime-il un message publicitaire particulier ? Il «aime» ce message s’il lui est utile (information commerciale tombant à point, exploitable à court ou moyen terme) ou / et agréable (humour, rêverie, curiosité, etc.). Si la création est bonne, si le message atteint le «bon» consommateur au «bon» moment, alors ce consommateur sera, à l’occasion de ce message, publiphile sans le savoir, sans même s’interroger, car il ne se pose pas ce genre de question. En cas contraire, il sera, pour cette occasion précise, publiphobe, sans le savoir, pour la même raison. Un même consommateur passera donc, tour à tour, en quelques instants, au gré des occasions publicitaires, pratiquement, de la publiphobie à la publiphilie. Comment condenser «la publicité» en une seule réponse quand il y a des millions de messages diffusés par an, des messages que l’on aime, d’autres que l’on n’apprécie pas et beaucoup que l’on ne voit même pas ?
Cette opinion publique n’est que le produit d’un sondage. Avant d’être sondé, nul n’a d’opinion sur le sujet. Qui est sondé est sommé de se fabriquer une opinion, vite fait, ou plutôt d’en choisir une toute faite parmi quelques propositions (questions fermées). On aboutit à une en phase avec l’air du temps, conforme sans doute à ce que le sondé croit que le sondeur attend ?
Poser de telles questions, hors contexte, abstraitement, c’est imposer à des consommateurs des questions qu’ils ne se posent pas, c’est inventer pour eux des positions «théoriques» à «prendre». La publiphobie n’existe pas. C’est une invention, un artéfact de sondage qui n’augure en rien de l’attitude envers un message publicitaire particulier.

Si on extrapole la question dans le domaine des médias, quelle serait d’après vous le type de relation qui relie les Français et les médias ?

FM : L’extrapolation me semble possible. La notion de relation «aux médias» est trop générale pour être effectuable. Comme pour la pub, les Français n’ont pas d’opinion tout prête concernant «les médias». Leur relation est positive à un moment donné pour les médias qu’ils consomment, pour ceux qu’ils achètent, qu’ils utilsent ; cette relation peut changer de signe (on change de chaîne, on achète un autre magazine, ou aucun). Pour les autres médias, il s’agit d’une relation d’indifférence, d’ignorance.
On ne peut connaître que la relation à un média précis, média que le consommateur connaît, pour lequel il se «fait» une opinion en le consommant. Pour les médias «en général» ainsi que pour la pub «en général», c’est l’interrogation qui provoque artificiellement des opinions. Dans notre société, les médias comme la publicité sont un environnement. C’est comme la respiration : quand on est essoufflé, on sait que l’on respire. Le reste du temps, on n’y pense pas. Cet environnement médiatique et publicitaire n’exige pas une prise de position continue.

François Mariet, Professeur à l’Université de Paris Dauphine

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