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Jean-Luc Chetrit (Union des marques) : « Nous ne sommes pas les adversaires de TF1 et M6 »

Jean-Luc Chetrit (Union des marques) : « Nous ne sommes pas les adversaires de TF1 et M6 »

Interview du lundi. L’Union des marques est au centre des mutations du marché des médias et de la publicité. Après la fusion ratée entre TF1 et M6, la consolidation en vue du marché de la télévision, l’arrivée de Netflix sur le marché de la publicité et les sujets autour de la transition écologique, Jean-Luc Chetrit défend les intérêts des annonceurs tout en incitant à une transformation vertueuse des acteurs du marché. Le directeur général de l’UDM a répondu aux questions de 100%Media.

100%Media : À quoi ressemble la rentrée 2022 de l’Union des marques ?

Jean-Luc Chetrit : C’est d’abord un déménagement, nous quittons le Boulevard Pereire après cinq ans de mandature. Cette nouvelle mandature, nous l’écrivons à l’aune de la transformation que connaissent beaucoup d’entreprises : nous allons vivre cette nouvelle expérience du co-working. L’Union des marques s’installe à une très belle adresse : 128, rue du Faubourg-Saint-Honoré, dans un espace « Morning » où nous pourrons recevoir nos adhérents avec beaucoup de salles de réunion. Notre rentrée est aussi marquée par le renouvellement du comité de direction avec le président Hervé Navellou, réélu pour deux ans. Le président de L’Oréal en France a conduit l’Union des marques ces deux dernières années. Il nous a donné une feuille de route très claire avec deux transformations, qui vont être notre cap et notre boussole pour les cinq années à venir : la transformation digitale et la transformation durable.

Nous sommes confrontés, dans l’environnement dans lequel nous opérons, à de nombreux challenges, mais aussi à de nombreuses tensions. Cela doit être des sources d’opportunités et c’est à nous d’accompagner les marques dans ce chemin.

100%Media : L’Union des marques a-t-elle fait capoter la fusion entre TF1 et M6 ?

J-L.C : L’Union des marques a été sollicitée comme beaucoup d’acteurs. Plus de 1000 ont été sondés par l’Autorité de la concurrence en début d’année et 50 d’entre eux ont reçu des questionnaires très détaillés. Nous avons été un des acteurs qui a représenté la voix des marques. Nous avons dit à l’Autorité de la concurrence quelque chose d’assez simple : la télévision est unique et non substituable. Elle est complémentaire avec le digital. Nous avons toujours reconnu les évolutions d’usages liées à la digitalisation des campagnes de communication des marques. Cette position est celle de nos homologues à travers l’Europe que j’ai consultés au cours du processus. C’est donc une ligne commune à toutes les associations professionnelles qui représentent les marques, parce que celle-ci s’appuie sur l’expérience que nos adhérents vivent au quotidien.
La télévision reste un moyen assez extraordinaire de parler en un instant à un très grand nombre de consommateurs, avec puissance et efficacité. Pour nous, l’expérience publicitaire en télévision est mieux appréciée que dans d’autres univers. De ce fait, l’Autorité de la concurrence a souhaité maintenir, pour l’instant en tout cas, cette définition pertinente d’un marché de la télévision. En conséquence de quoi, cette opération n’était donc pas possible.
Je tiens à préciser que ce n’est pas une décision de l’Union des marques, évidemment, mais c’est une décision de l’Autorité de la concurrence.
Nous n’avons jamais été, et nous ne serons jamais, les adversaires de TF1 ou de M6. Nous avons toujours milité pour qu’il n’y ait pas d’asymétrie réglementaire avec les plateformes digitales. En effet, il ne faut pas que les chaînes de télévision aient des boulets aux pieds face à des acteurs qui se développent sur le marché français.
 
100%Media : Quelle est votre vision sur l’évolution de la réglementation du marché de la télévision ?
 
J-L.C : Nous pensons que la télévision est victime d’une trop forte réglementation : la publicité segmentée vient d’arriver et certains secteurs d’annonceurs sont encore interdits à la télévision. Il y a un certain nombre de règles de quotas qui s’appliquent aux chaînes de télévision, mais qui ne s’appliquent pas de la même façon aux plateformes. Donc, il faut faire en sorte que nous puissions aider ces chaînes à se transformer. Elles ont conduit des transformations, il faut qu’elles poursuivent et nouent des alliances. Nos groupes de télévisions ont des actionnaires puissants et des résultats financiers qui le leur permettent. Je ne doute pas de leur capacité à conduire la transformation de leur modèle.
 
100%Media : Au final, les marques préfèrent-elles investir dans des acteurs français plutôt qu’étrangers ?
 
J-L.C : Les marques veulent investir dans des acteurs nationaux et européens. C’est important d’avoir des champions à la fois nationaux et européens. Aujourd’hui, nous n’avons pas été capables d’avoir un Netflix à la française. Mais qu’est-ce qui nous l’interdit ? Certainement la réglementation et la régulation. Je rappelle que Netflix n’est pas né d’une société qui était milliardaire, mais d’un groupe de petite taille, spécialiste de la location de vidéo de DVD, qui a réussi à se transformer pour devenir un leader mondial dans la SVOD. Donc, il y a la place pour d’autres acteurs.
 
100%Media : Comment voyez-vous l’arrivée de Netflix sur le marché de la publicité ?
 
J-L.C :  L’arrivée de Netflix sur le marché de la publicité a été une surprise pour certains, parce que le modèle historique de Netflix, c’était le meilleur des contenus sans publicité. C’est comme cela que la plateforme s’est développée. Le fait de retourner le modèle et de réintroduire de la publicité, c’est à la fois un challenge pour Netflix et une opportunité pour les marques de pouvoir apparaître dans des environnements de qualité premium.
C’est aussi l’opportunité de toucher des publics qui n’avaient plus accès à la publicité. Donc c’est une bonne nouvelle.
En revanche, la manière dont Netflix apparaît sur ce marché pour l’instant est assez étonnante. Nous nous attendions à recevoir un appel de Netflix, sachant que nous représentons plus de 1600 marques, pour nous présenter ses offres.
Ce n’est pas du tout ce qui s’est passé et pire, nous entendons des rumeurs tous les jours sur le prix du CPM. Nous entendons aussi que Netflix n’aurait pas vocation à se faire mesurer par Médiamétrie. C’est inacceptable. On ne peut pas rentrer dans un marché publicitaire et ne pas accepter les règles du jeu.
C’est la même chose pour Prime Vidéo d’ailleurs, qui, pour l’instant, n’est pas mesuré. Ils ont signé des accords avec Nielsen aux Etats-Unis. Ils doivent signer des accords avec Médiamétrie dans les plus brefs délais parce qu’il ne pourra pas y avoir de développement pérenne de leur offre et de leur commercialisation sans mesure. Pour ces acteurs du streaming, nous demandons une mesure certifiée et surtout de la transparence. J’entends dire que des deals seraient en train d’être construits avec des agences. Je rappelle que la loi Sapin est extrêmement précise sur la transparence économique qui doit s’opérer entre un acteur des médias et les clients. Les agences le savent et je compte sur elles pour le rappeler à Netflix. Nous sommes très contents d’accueillir Netflix en France dans le marché de la publicité, mais Netflix devra, comme tous les autres acteurs, s’adapter aux règles du marché français.
 
100%Media : La transformation durable est un sujet qui anime fortement l’économie, et notamment le marché de la publicité. Quelles initiatives pouvez-vous prendre en tant que représentant des annonceurs ?
 
J-L.C : L’impact des marques, par leur communication, sur le climat est un sujet majeur. C’est un sujet lié au contexte énergétique dans lequel nous opérons. L’été dernier a vu se multiplier les sécheresses et les incendies. Je crois que nous en avons tous conscience. D’ailleurs, nous avons commandé quelques études, notamment un baromètre, qui va donner des indications sur la préoccupation des Français. Ce sujet est très haut, les marques ont donc bien conscience qu’elles ont un rôle à jouer. Par exemple, le label Digital Ad Trust va devenir le Sustainable Digital AD Trust dans quelques mois, à l’initiative du SRI et de plusieurs organisations.
Je pense qu’il faut surtout une mesure de l’impact carbone avec un référentiel commun. Nous en avons pris l’initiative avec l’ensemble des acteurs, notamment la filière de la communication, l’AACC ou encore l’Udecam qui nous accompagne dans cette démarche collective pour construire ce référentiel. Il sortira début 2023. Il va nous permettre d’avoir la même mesure et la même façon de mesurer, mais avec des acteurs différents. Nous aurons le même standard de mesure afin de comparer des carottes avec des carottes et éviter que chacun sorte sa propre calculette.
Et puis, autre point, nous allons rejoindre une initiative, lancée au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, qui s’appelle Ad Net Zero. Cela se fera avec nos partenaires agences et médias, afin que nous soyons un des pays pilote, avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni, dans la réduction de l’impact carbone.

Propos recueillis par François Quairel.

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