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Décision de l’Autorité française de la concurrence : une première victoire pour les éditeurs face à Google ? Par Arnaud Créput

Décision de l’Autorité française de la concurrence : une première victoire pour les éditeurs face à Google ? Par Arnaud Créput
Alors que l’Autorité de la Concurrence Française a sanctionné lundi 7 juin 2021 les pratiques anti-concurrentielles du géant américain – une première mondiale – les éditeurs ont l’occasion de reprendre le contrôle sur leurs principaux actifs : Contenu, Audience, Données.
Une décision historique
L’Autorité de la concurrence française a adopté aujourd’hui une décision majeure à l’encontre de Google pour son comportement anticoncurrentiel dans le secteur de l’Ad Tech. L’importance de cette décision réside dans le fait qu’elle (i) constate que Google a abusé de sa position dominante par le biais de plusieurs tactiques anticoncurrentielles visant à évincer les intermédiaires concurrents et (ii) impose une amende de 220 millions d’euros à Google.
Dans le cadre de cette transaction avec l’autorité, Google ne conteste pas les conclusions d’abus anticoncurrentiels contenues dans la décision et offre une série de remèdes destinés à permettre une concurrence plus juste. Google s’engage notamment à offrir aux Ad Servers concurrents une plus grande interopérabilité avec son Ad Exchange. Le marché de l’Ad Tech étant mondial, ces mesures correctives auront un effet en dehors de la France.
Cette décision intervient à un moment critique où Google fait l’objet d’enquêtes sur ses pratiques Ad Tech de la part d’un nombre croissant d’autorités de la concurrence, notamment en Italie, au Royaume-Uni ou par la Commission Européenne, et fait également l’objet d’une procédure initiée par le procureur général du Texas regroupant au sein d’une coalition plusieurs états aux États-Unis.
 
Le cœur de la décision
 
L’Autorité de la Concurrence Française rapporte que Google a commis deux abus : son Ad Server DFP a favorisé son Ad Exchange AdX et, inversement, son Ad Exchange AdX a favorisé son Ad Server DFP.
En premier lieu, Google a utilisé son Ad Server DFP (dont il a été constaté qu’il occupait une position dominante sur le marché des Ad Server pour éditeurs) pour favoriser son marché d’annonces AdX. Entre autres pratiques, DFP partageait avec AdX le prix enchéri par les Ad Exchanges concurrentes. AdX utilisait ces informations pour optimiser ses enchères, notamment en faisant varier la commission qu’il facturait aux éditeurs en fonction de la concurrence à laquelle il était confronté de la part des Ad Exchanges rivales. 
 
Deuxièmement, Google a imposé des limitations techniques et contractuelles à l’utilisation d’AdX par le biais d’un Ad Server tiers. Les conditions d’interopérabilité offertes aux Ad Server concurrents étaient, par conséquent, inférieures aux conditions entre DFP et AdX, ce qui pénalisait à la fois les Ad Servers tiers et leurs clients éditeurs.
Au-delà des effets sur la concurrence, les effets néfastes pour les éditeurs sont également explicitement mentionnés dans la décision. Ces effets sont très variés et peuvent impliquer des mécanismes d’enchères complexes, de sorte que les impacts négatifs réels ne sont pas toujours visibles pour l’éditeur. Ils comprennent par exemple (i) la dégradation des performances des SSP concurrents conduisant à des rendements médiocres pour les éditeurs, (ii) le maintien à leur tour de prix élevés dans AdX dont la concurrence a été minée par le comportement de Google, (iii) une analyse approfondie des mécanismes d’optimisation prétendument bénéfiques aux éditeurs mais qui, en réalité, ne le sont pas – par exemple, l’ADLC détaille des cas où le partage dynamique des revenus de Google ADX réduit non seulement les volumes d’impressions gagnés par les SSP rivaux, mais aussi le revenu total de l’éditeur.
 
Les conséquences pour les éditeurs et le Web ouvert
 
Il s’agit d’une première victoire importante pour l’Open Web, mais de nombreuses autres batailles sont encore à venir. La décision de l’Autorité de la concurrence française ne porte que sur certaines des pratiques anticoncurrentielles utilisées par Google pour affaiblir ses rivaux. Or, certaines autres pratiques font l’objet d’enquêtes de la part d’autres Autorités de la Concurrence et font également partie d’une procédure antitrust intenté contre Google au Texas.
Les engagements proposés par Google, s’ils sont correctement mis en œuvre, devraient enfin profiter aux éditeurs. En rendant son Ad Exchange interopérable avec des Ad Servers tiers, les éditeurs de médias pourront désormais choisir l’ Ad Server qu’ils souhaitent sans craindre de perdre de revenus (émanant de Google Ads, notamment).
Les éditeurs retrouveront ainsi leur indépendance. D’une situation où ces derniers étaient contraints d’adopter une position de sous-traitant de Google (en produisant du contenu pour Google et en lui partageant leurs données et audiences exclusives), ils auront désormais la liberté de choisir leurs partenaires technologiques et de reprendre le contrôle sur leurs actifs les plus précieux : leur contenu, leurs données, leurs audiences.
Cette décision est une étape clé pour redynamiser la concurrence et l’innovation dans l’espace ad tech et les éditeurs, qui sont les premières victimes des pratiques de Google, en bénéficieront en dernier ressort, mais la bataille ne fait que commencer.
 
Arnaud Créput – CEO de Smart AdServer
 

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