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Etudes : n’oublions pas le consommateur ! par Zysla Belliat et Valérie Morrisson

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Etudes : n’oublions pas le consommateur ! par Zysla Belliat et Valérie Morrisson

La troisième édition du séminaire CESP-IREP était consacrée à la place et au rôle du consommateur dans les études. En introduction, Valérie Morrisson, la nouvelle Directrice Générale du CESP et Zysla Belliat, Présidente de l'IREP ont souhaité rappeler quelques fondamentaux qui semblent parfois oubliés … Voici l'essentiel de leur intervention.
L’injonction de replacer le consommateur au centre des préoccupations frappe aujourd’hui par la force avec laquelle elle s’exprime (1). Que s’est-il passé pour que nous en soyons arrivés là ?
Avec l’accélération des vitesses de communications et des échanges, le temps s’est raccourci.
On a fini par croire que tout devait se faire dans l’urgence alors même que cela aurait dû nous offrir un espace de réflexion agrandi. En réalité, la réflexion elle-même s’est rétrécie…
«Le piège est de considérer que parce que le monde va vite, les mécanismes de la pensée analytique et synthétique doivent se régler sur le même rythme chaque jour accéléré» (2).

Et finalement, la vitesse est devenue l’objectif, au détriment de la connaissance. Ceci constitue de toute évidence un vrai problème pour les études qui ont pour finalité de mieux comprendre les individus, leurs opinions et leurs comportements.

Avec pour autre conséquence de cette urgence : dès l’amont des études une diminution progressive du temps consacré à la compréhension des problématiques, donc à l’empathie et à l’écoute de l’autre, de ses besoins, qu’il soit consommateur ou client d’instituts. On entend d’ailleurs la difficulté grandissante, du point de vue des prestataires, de parvenir à faire exprimer des objectifs clairs à leurs clients qui eux-mêmes, pris dans la tourmente du temps raccourci imposé par leurs contraintes ou leur hiérarchie voudraient qu’un problème soit compris, décortiqué, résolu avant même d’avoir été posé !

Paradoxalement, dans le même temps, les nouvelles technologies nous offrent des espaces d’expression de plus en plus nombreux donnant l’illusion de (pouvoir) nous exprimer plus intensément. Mais précisément, comme le demandait récemment Dominique Wolton lors de l’Assemblée Générale de l’ARPP à propos des réseaux sociaux «quand tout le monde parle, qui écoute ?».
Si l’on a oublié l’essentiel, voire renié les fondamentaux et que cela soit volontaire ou non, il faut peut-être songer à y revenir et a minima se demander quels sont ces fondamentaux. Nous avons conscience qu’il n’est pas évident que le marché soit perméable à la préservation de tous ces fondamentaux. Mais si le CESP et l’IREP ne les rappellent pas, qui le fera ? Notre indépendance, notre fonctionnement interprofessionnel et nos convictions nous le permettent.
Ainsi, demandons-nous qui répond, mais avant même cela, à quoi sert l’étude ; demandons-nous aussi si nous ne sommes pas en train d’être victime du syndrome du réverbère.
Ayons conscience que «Le sujet sur lequel on interroge l’individu ne fait pas obligatoirement partie ni de sa pensée ni de ses préoccupations», car cet individu «ne s’est tout simplement jamais posé la question sous la forme présentée». Il est donc primordial «d’adresser des questions claires, concises et compréhensibles par des personnes de niveau éducatif, d’âge et de situation sociale très différents» (3).

Dans le même esprit, rappelons-nous collectivement que :
– La quantité ne fait pas la qualité : un grand échantillon ne permet pas, en raison de sa seule taille, de «connaître» et prendre les bonnes décisions. Gallup a acquis sa renommée et les sondages leur légitimité en prévoyant l’élection de F.D.Roosevelt.
– L’utilité de communiquer systématiquement les marges d’erreurs : les instituts les produisent dans leurs rapports, mais ces notions sont trop souvent ignorées dans l’utilisation et la communication qui en est faite ensuite.
– Les données, aussi massives soient-elles, représentent une opportunité formidable. Ça nous dit combien, ça nous dit probablement qui. Mais ça ne nous dira jamais pourquoi, et encore moins le… pourquoi du comment du pourquoi du comment ! En fait ça ne nous dit pas tout de l’individu dans sa rationalité et surtout son irrationalité. Seules les études conjuguant les différentes approches peuvent permettre d’espérer approcher le coeur et l’esprit du consommateur.
A l’heure où l’attention est plus que jamais portée sur les données massives, il était d’ailleurs rafraîchissant d’entendre un éminent statisticien rappeler au colloque des anciens de l’ENSAE le 18 juin dernier que nous aurions toujours besoin des enquêtes par sondage à l’avenir.

Zysla Belliat, Présidente de l’IREP et Valérie Morrisson, Directrice Générale du CESP

(1) Une étude publiée récemment par l’UDA et Millward Brown Vermeer montre que dans les entreprises françaises, le client est insuffisamment placé au centre de leurs actions (étude Marketing 2020).
(2) Eric Delbecque et Laurent Combalbert – Le spectacle de la peur – Jacques Marie Laffont Editeur.
(3) Joël Jallais «Sondages d’opinion et opinions de sondages», l’Université de Rennes 1.

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